Le gouvernement doit s’intéresser davantage au rôle stratégique des matériaux avancés.
Marie-Pierre Ippersiel, Présidente-directrice générale de PRIMA Québec
Au fil des annonces qui chaque mois amène des développements, de nouveaux acteurs et de nouveaux investissements, la « filière batterie » prend forme. Cette industrie qui émerge rapidement est désormais associée à une nouvelle zone d’innovation, de Bécancour en passant par Granby, et McMasterville où différentes infrastructures se construisent.
L’orientation stratégique du Québec dans la filière batterie est de réunir toutes les étapes du processus, de la mine de lithium au recyclage des batteries en fin de vie pour être un pilier de l’industrie. Cette approche fait consensus dans le milieu de l’innovation, mais il faut se préparer à la prolonger vers l’amont pour en tirer le plein potentiel.
Nous voyons, par exemple, des projets de fabrication de cathodes, l’électrode à charge positive de la batterie. C’est une partie essentielle… dans un élément essentiel de la décarbonation de l’économie. Il y a 200 ans, c’est le carbone, d’abord sous sa forme charbon, puis pétrole et gaz, qui a permis la révolution industrielle. Maintenant, nous devons en toute hâte l’évacuer de nos activités. Le défi est immense.
Dans la course mondiale à la décarbonation et à la transition énergétique, tous les pays tentent de se positionner. Souvent, les citoyens ont tendance à mesurer la position relative de leur pays par les produits finis qui y sont fabriqués : voitures électriques, éoliennes, panneaux solaires, technologies propres. Mais la bataille la plus importante se joue en amont des produits finis et les pouvoirs publics doivent s’intéresser davantage au rôle stratégique des matériaux avancés.
En tout, c’est plus de 470 entreprises d’ici qui mènent la charge, avec 45 000 employés qui s’activent pour trouver des solutions durables au sein d’une industrie qui génère 14 milliards de dollars en retombées. N’oublions surtout pas la communauté de la recherche en sciences des matériaux au Québec qui se distingue par la qualité de ses travaux lesquels viennent appuyer ces entreprises.
Afin de poursuivre sa remontée, le Québec doit penser au pas suivant vers les constituants des composants essentiels. Qu’est-ce que ça veut dire ? Si les cathodes sont des composants essentiels, les meilleures cathodes seront celles dont la composition sera la plus performante. Cette matière qui fera les meilleures cathodes est un matériau avancé. Les matériaux avancés, ce sont tous ces alliages, polymères, composites, membranes, aux propriétés parfois extraordinaires : légèreté, dureté, biocompatibilité et biodégradabilité.
C’est en amont que naissent les solutions de décarbonation qui entrent dans la chaîne, jusqu’aux produits finis zéro émission. Les matériaux avancés sont omniprésents dans la décarbonation et la transition énergétique. On en trouve dans les systèmes photovoltaïques, dans les systèmes de production, de transport et stockage d’hydrogène, dans les appareils écoresponsables de chauffage et de climatisation, d’éclairage, ainsi que dans tous les appareils et outils technologiques.
En Europe, plusieurs pays élaborent des politiques de développement des matériaux avancés arrimés aux politiques de décarbonation. Le Québec peut en faire autant. PRIMA Québec est le pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés, l’un des neuf regroupements sectoriels de recherche industrielle (RSRI).
Déjà, avec le soutien du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, nous favorisons chaque année la réalisation de projets de recherche collaborative. Ils ont pour caractéristique d’associer les défis de l’industrie à l’expertise de la recherche publique, notamment dans les universités et les centres collégiaux de transfert de technologie. Nous soutenons des projets pour accroître l’efficacité énergétique des transports, améliorer la durabilité des produits et élaborer de nouveaux dispositifs supraconducteurs.
Notre approche de recherche collaborative permet de stimuler l’innovation, de canaliser des investissements et de réduire le risque des projets. Les matériaux avancés sont partout, des casques de hockey à nos téléphones intelligents. Avec notre modèle de R-D distinctif et performant, nous pouvons aider le Québec à remonter jusqu’à la source des solutions de décarbonation et compter parmi les gagnants de la bataille fascinante qui se joue en amont des produits finis.